Hélion Jouffroy (1470-1515), prévôt d’Albi et chantre de la cathédrale de Rodez, fonde la Chartreuse de Rodez en 1511. Neveu de l’évêque d’Albi dont il hérite, il achète deux prés au lieu-dit d’Albespeyres, proche du foirail. Il constitue un capital de fondation de 20 000 livres tournois pour l’ordre des Chartreux. Il contribue aussi à la fondation du couvent des Annonciades de Rodez.
Le chapitre de la cathédrale, qui perçoit des droits dans ce secteur, conteste la fondation, mais elle est confirmée par le Parlement de Toulouse. En 1520, les prieurés de Salmiech et de Trémouilles sont unis à la Chartreuse. Le patrimoine est constitué de domaines à Rodez et d'anciens droits dans les environs de Pont-de-Salars.
Portrait peint d’Hélyon Jouffroy vers 1510, représenté à genoux avec Sainte-Cécile, debout derrière (cathédrale d’Albi, chapelle Sainte-Croix). Photographie couleurs. Octobre 2013. [Arch. dép. Aveyron]
Les chartreuses de Rodez et de Villefranche-de-Rouergue font partie de la province cartusienne d’Aquitaine. Le lieu d’implantation choisi pour celle de Rodez se trouve dans la campagne et en périphérie de la cité de Rodez. Le prieur de Villefranche-de-Rouergue, Jean Mézengan, dirige et surveille les travaux. Il devient le premier prieur de la Chartreuse de Rodez à partir de 1513. Pendant les travaux, les chartreux occupent provisoirement la Borie d'Albespeyres (auj. la Boriette) et utilisent la petite chapelle de Notre-Dame de la Pitié. Les travaux s’échelonnent du XVIe au XVIIIe siècles
Plan des travaux d’aménagement en 1748. [Arch. dép. Aveyron, 1148 W 247 et AA 212-35, Jean Poujol de Molliens, Le dépôt d’étalons de Rodez, imp. Carrère, Rodez, 1935]
Vue cavalière de la Chartreuse de Rodez. Huile sur toile. 2x1,5 m. [XVIIe siècle]. [Coll. particulière du musée de la Grande Chartreuse (dép. de l’Isère), peinture non exposée].
Cette peinture se divise en deux parties. À l’arrière-plan, dans l’ombre, se profile la cité de Rodez. Au premier plan, la Chartreuse est représentée en pleine lumière, loin de la ville. L’orientation des bâtiments n’est pas conforme à la réalité. L’architecture cartusienne se caractérise par des ensembles très réguliers et par l’existence d’un petit cloître et d’un grand cloître qui dessert les cellules individuelles des religieux, les ermitages. Il s’agit autant de clôtures réelles que symboliques de la renonciation au monde, de la solitude nécessaire à la vie érémitique. Le cartouche comporte la date de fondation de la Chartreuse.
L’église (auj. écurie n°1) est construite dans le premier quart du XVIe siècle. Elle est consacrée par François d’Estaing, évêque de Rodez. Elle comporte une simple nef sans transept. La porte d’entrée d’origine, située sur son flanc nord, est visible aujourd’hui dans l’atelier. Au nord de l’église, il existe deux caves souterraines dont l’une, voûtée, se prolonge jusqu’à la rue Eugène Loup. Elles ont pu être utilisées comme prison et cellier.
Façade sud de l’écurie n°1 (ancienne église). Photographie noir et blanc. Novembre 1952. [Service territorial de l’architecture et du patrimoine de l’Aveyron]. Les formerets, qui correspondent à l’emprise des arcatures des galeries du petit cloître, sont encore visibles.
Les bâtiments, dont les écuries situées le long de l’actuelle rue Eugène Loup, sont construits au cours des XVIe et XVIIe siècles.
Au XVIIIe siècle, sont bâtis le grand mur d’enceinte et ses cinq tours rondes. Sont ajoutés, de part et d’autre de l’église, des locaux techniques (cuisines, ateliers, bûcher, remise, appentis...) qui encadrent la grande cour rectangulaire. En face, sont édifiés la maison du prieur (auj. logement du directeur du haras) à l’intérieur de laquelle subsiste un imposant escalier, l’hôtellerie, les appartements pour les officiers. L’accès à cette cour se fait au nord, par l’extérieur, grâce au grand porche.
Tour nord-est, aujourd’hui dans l’enceinte de l’ancienne piscine. Photographie noir et blanc. Novembre 1952. [Service territorial de l’architecture et du patrimoine de l’Aveyron]. Elle renferme à l’intérieur le château d’eau du haras.
Le grand portail, auj. rue Eugène Loup, ouvrant sur la cour d’honneur. Photographie couleurs. 24 février 2014. [Arch. dép. Aveyron]. Il est surmonté d’une niche vide qui devait abriter la statue de Saint-Bruno. L'inscription « Cartvsia ruthenae 1749 », gravée dans un médaillon sous le linteau, donne la date du portail. Ả la clef de voûte, le nom de l’artisan est indiqué « Me Vidal fecit ».
Arrêté du ministre de l’Éducation nationale portant inscription à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques des éléments de l’ancienne Chartreuse. 6 novembre 1942. [Haras national de Rodez]
État des religieux de la Chartreuse de Rodez. 11 octobre 1790. [Arch. dép. Aveyron, 5 L 259]. La maison de Rodez, qui compte 12 personnes, est dirigée par le prieur Dom Gabriel Géraud.
L’Ordre des Chartreux est un ordre religieux fondé en 1084 par saint Bruno et six compagnons. Son nom vient du massif de la Chartreuse, au nord de Grenoble (dép. Isère). Aujourd’hui, il existe 24 maisons appartenant à l’Ordre des Chartreux disséminées dans le monde entier, dont 18 d’hommes et 6 de femmes.
La Chartreuse Saint-Sauveur (commune de Villefranche-de-Rouergue)
Avant de partir à Rome demander une indulgence plénière au pape Nicolas V, Vésian Valette, riche marchand de Villefranche, rédige son testament le 17 juin 1450. Il lègue sa fortune pour la fondation d’un monastère de chartreux. Il meurt à Rome et ses volontés sont exécutées par sa veuve, Catherine Garnier. Les travaux de construction, dirigés par Dom Pierre Macellier, prieur de la maison de Castres, s’étendent de 1452 à 1462.
À la Révolution, les religieux sont expulsés. En 1792, les bâtiments sont acquis par la ville et transformés en hôpital.
L’abbaye de Nonenque (commune de Marnhagues-et-Latour)
Située dans la vallée de l’Annou, cette abbaye est à l’origine, au XIIe siècle, une abbaye de moniales cisterciennes relevant de Sylvanès. Elle est démantelée à la Révolution puis devient une exploitation agricole. Depuis 1927, une communauté de moniales de l’Ordre des Chartreux y est installée.
Pendant la Révolution française, de nombreux couvents, monastères et abbayes sont confisqués et vidés. En reconstituant l’administration des haras, Napoléon Ier permet de trouver une nouvelle affectation à certains de ces bâtiments en y installant de 1806 à 1814 des dépôts d’étalons et des dépôts de remonte militaire. Outre la Chartreuse de Rodez, citons le couvent des Visitandines à Aurillac (dép. du Cantal), le couvent des Dominicains à Annecy (dép. de Haute-Savoie), le couvent des Cordeliers à Villeneuve-sur-Lot (dép. de Lot-et-Garonne) ou encore l’abbaye de Sainte-Croix à Saint-Lô (dép. de la Manche). Ceux qui n’ont pas trouvé une nouvelle affectation sont souvent devenus des carrières de pierre et ont disparu.
Le directoire du district de Rodez loge dans la Chartreuse en 1796, le Ier régiment des hussards.
« Déclaration des biens, revenus, meubles et effets de la chartreuse de Rodés, faite d’après les décrets de l’Assemblée nationale ». 1790.
« La chartreuse est en platte [sic] campagne environ demi heure de distance de la ville, située au couchant d’ycelle ; la porte d’entrée est placée au nord. En entrant, on trouve un vestibule dans lequel est placé à gauche la chambre du portier, et à droite une chambre pour un frère ; en face duquel vestibule se trouve une cour quarrée, qui est fermée dans le même esprit du côté gauche par la dépense des domestiques et une remise à suite et du côté droit par deux magasins à bois. Continuant du côté du couchant, on trouve le logement des officiers et le sallon à manger au rez-de-chaussée et poursuivant du côté du mydi, on trouve celui de dom prieur ainsi que la cuisine et ses accompagnemens [sic] : en reprenant du côté du levant est placé le réfectoire, le vestibule de l’église et un magasin.
Le dessus de ce rez-de-chaussée est occupé du côté du nord par les greniers, au couchant et au midy par des chambres d’autres officiers, des frères et d’hôtes à l’extrémité du levant, par les chambres des domestiques, sous lesquelles se trouve une arcade qui conduit aux écuries, grange à foin et lavanderie, d’où l’on entre dans l’enclos, qui contient environ douze sétérées y compris le jardin potager.
Le cloître, qui se trouve entouré par le dit enclos, renferme huit cellules, dont certaines sont imparfaites, on passe de ce grand cloître à un autre plus petit où se trouve une neuvième cellule destinée au sacristain qui avoisine le chapitre et une chapelle à suite, auprès de laquelle se trouve la porte de l’église pour le service des religieux.
Dans ladite église, est placé le chœur des religieux garni d’estales et lutrin, le tout en bois, la partie inférieure forme un chœur pour les frères où se trouvent quelques estales avec deux autels fort simples. Sur le flan [sic] de ladite église au nord, se trouvent quatre chapelles voûtées ayant chacune leur autel, dont deux servent seulement pour y célébrer. Au bout d’ycelles se trouve la sacristie très mincément pourvue et où il ne se trouve que ce qui est rigoureusement nécessaire pour le culte divin, soit des vases sacrés, ornemens [sic] et linges. Les chandeliers, croix et lampes sont de cuivre argenté. Et il n’existe qu’une seule cloche moyenne qui suffit à notre usage. Le maître-autel du sanctuaire est relevé par un retable de bois doré dans certaines parties et qui répond à la simplicité du chœur où il n’y a jamais eu de tableau. On peut ajouter qu’au-dessus de la cellule du sacristain, il se trouve une petite horloge assés [sic] mauvaise (…) ».
[Arch. dép. Aveyron, 18 H 1]
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